Les paroisses de l'ancien régime
Combien de français savent-ils aujourd'hui à quelle paroisse ils appartiennent ? A la campagne, où elle se confondait voici peu encore avec la commune, peut-être. Mais en tout cas le mot lui-même est banni de notre vocabulaire habituel. Il n'en allait pas ainsi autrefois. Quand, spontanément ou en réponse à une question, un français devait préciser son origine ou sa résidence, il indiquait toujours et seulement sa paroisse et le diocèse de celle ci. C'est ainsi qu'il se définissait sans l'espace.
La paroisse constituait le premier cadre de vie des anciennes populations. "On entend par paroisse une église dans laquelle le peuple d'une contrée limitée anciennement est obligé de s'assembler les dimanches et fêtes pour y entendre la messe, participer à la célébration de l'office divin et pour y recevoir les instructions concernant les devoirs de chrétien." (Jousse, Traité du gouvernement spirituel et temporel des paroisses, 1769)
La paroisse est donc la cellule de base de l'administration écclésiastique. Elle correspond à la fois à une circonscription territoriale et à une communauté d'habitants ou "paroissiens" confiés à un curé.
Les dimensions d'une paroisse sont très variables. Une ville est généralement (pas toujours) divisée en plusieurs paroisses. Mais un village ne forme pas nécessairement une paroisse ; celle ci peut regrouper plusierus villages ou hameaux.
Le curé en est le chef spirituel et les paroissiens lui doivent le logis (le presbytère) et les meubles, la dîme (impôt proportionnel aux récoltes payé à l'église) lorsque le curé est décimateur, le casuel (offrande ou taxe à l'occasion de certaines cérémonies, et donc versée au coup par coup ou au cas par cas, d'où son nom).
Mais le curé n'est pas seulement un pasteur, il représente en quelque sorte le pouvoir royal dont il fait connaître les décisions. Il se trouve dans une position clé d'intermédiaire entre les autorités, civiles et religieuses, et la population. Le curé doit aussi tenir les registres paroissiaux. D'origine épiscopale, cette mission est royale depuis l'ordonnance de Villers-Cotteret de 1539 qui lui fait obligation d'inscrire les baptèmes et les sépultures de sa paroisse, et depuis 1579 par l'ordonnance de Blois s'y est ajoutée l'obligation d'inscrire les mariages. C'est dans le cadre paroissial qu'est né l'ancêtre de notre état-civil. Grâce aux paroisses et aux curés, le quadrillage du royaume est général.
L'administration temporelle, c'est à dire matérielle, de la paroisse relève des habitants. La fabrique, c'est le temporel de la paroisse, les biens et les revenus affectés à l'entretien d'une église paroissiale. Mais le terme désigne aussi l'organisme chargé de le gérer. Celui-ci est constitué d'une ou plusieurs personnes élues par l'assemblée des paroissiens, nommés marguilliers ou fabriciens. Souvent le marguillier fait fonction de syndic (le représentant des habitants, aussi appelé consul, échevin, jurat) ou d'associé au syndic. Il est élu pour un an, comme le syndic et souvent en même temps que lui. C'est soiuvent un notable, à cause des devoirs d'assisitance incombant à la paroisse et des risques encourus. Les marguilliers rendaient leurs comptes à leur sortie de charge.
La fabrique percevait des recettes pour l'entretien de l'église et les frais de culte. Ses biens, considérés comme biens de l'église, étaient inaliénables. Ses revenus provenaient de "biens extérieurs" (par exemple des maisons ou des terrres affermées, cens en argent ou en nature, rentes issues de donations), ou de "biens intérieurs" tels que casuel, quêtes ou offrandes, location de bancs, utilisation des cloches, tentures et ornements. Les marguilliers assuraient les dépenses, et c'était la fabrique qui réglait le tarif des bancs, le balayage, le service des inhumations, la nomination d'un commissaire des pauvres. Dans les villes, le temporel pouvait être considérable.
Tous les actes de la vie du chrétien se déroulaient dans le cadre paroissial, non seulement ces étapes décisives qu'étaient le baptême, le mariage et la sépulture, mais aussi tout au long de l'année avec ces temps forts de sociabilité qu'étaient les rassemblements hebdomadaires de la population chaque dimanche, et à l'occasion des fêtes qui rythmaient la vie sociale. Chaque fête comportait à la fois un aspect religieux et un aspect civil dans sa célébration. C'est d'ailleurs souvent à l'église, seul bâtiment réellement considéré comme appartenant à tous et donc dans lequel les paysans se sentaient chez eux, qu'avaient lieu les réunions de la communauté.
Source : Gabriel Audisio "Les français d'hier, tome 1" Armand Colin 1998